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La prochaine réunion :

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Le : Jeudi 3 avril à 18h

  Lieu : nous contacter par courriel


lire.echanger [at] gmail.com

 

Thème : Jacques Chessex


 

Les réunions sont ouvertes à tous


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10 janvier 2014 5 10 /01 /janvier /2014 13:56

 

 

 

On ne peut pas faire abstraction du fait qu'elle est journaliste. Elle a une écriture et une approche journalistique. Ses constructions sont celles du reportage long. Elle s'empare de faits divers pour raconter des faits sociaux et/ou historiques qu'elle replace dans un roman. Ou bien elle choisit des personnalités pour dresser des portraits d'hommes et de femmes hors du commun et en même temps faire le portrait d'une époque, d'un milieu social, d'une société à un moment précis.


C'est ainsi qu'elle écrit sur les Etats-Unis ségragationnistes dans Les Faibles et les forts, sur le milieu de la mode à travers un portrait de Sonial Rykiel ou ou de l'art à travers un portrait de Gérard Garouste, sur la prison dans les années 60 dans Les Chagrins, sur la création et le monde des amateurs d'art au XIXème siècle à travers les relations des frères Van Gogh ou encore sur le cinéma français et la création artistique vampirisante dans Mauvais génie. Mais ces cadres spatio-temporels ne sont pas des prétextes, ils sont vraiment l'arrière-plan sur lequel vient s'imprimer le récit.


Ce qui est solide dans les livres de Perrignon, que ce soit un roman, un roman biographique, un livre d'entretien (ou un peu tout cela à la fois), c'est la construction. Elle a une manière très particulière de bâtir une trame en mêlant avec habileté les voix des différents personnages, en plaçant judicieusement des citations, des passages de lettres qui pourraient paraître comme des digressions ou être ressentis comme des ruptures dans la fluidité du texte mais qui en fait s'insèrent parfaitement comme une pièce de puzzle trouve sa place dans le schéma général. Perrignon a une prédilection pour l'épistolaire, elle utilise beaucoup de lettres échangées entre les personnages qui ont pour effet d'amplifier l'effet polyphonique de ses livres.


Elle doit être une extraordinaire auditrice en entretien et une chercheuse hors pair pour parvenir à trouver les petits éléments d'apparence insignifiante autour desquels elle tisse la narration qui les révélera comme essentiels. Elle dit plus en taisant qu'en disant et en cela elle est vraiment subtile. Elle a une écriture en négatif en quelque sorte. Même un livre comme Mauvais génie qui pourrait paraître comme un règlement de comptes vindicatif et amer entre  « people » parisien dont, on n'a rien à faire, à part si on est un lecteur assidu de Paris Match, parvient à être intéressant parce qu'au-delà de son sujet, c'est un livre construit et écrit avec soin et finesse.

 

  • Mauvais génie, écrit avec Marianne Denicourt, Stock 2005

  • C'était mon frère, l'Iconoclaste 2006

  • La Nuit du Fouquet's, écrit avec Ariane Chemin, Fayard 2007

  • Lettre à une mère et Les Secrets des mères, écrit avec René Frydman, l'Iconoclaste 2008

  • L'Intranquille, autoportrait d'un fils, d'un peintre, d'un fou, écrit avec Gérard Garouste, l'Iconoclaste, 2009

  • Les Chagrins , Stock 2010

  • Les Yeux de Lira, écrit avec Eva Joly, Les Arènes 2011

  • N'oubliez pas que je joue, écrit avec Sonia Rykiel, l'Iconoclaste 2012

  • Les Faibles et les Forts, Stock 2013

 

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11 octobre 2013 5 11 /10 /octobre /2013 15:55

 

 

Des avis partagés concernant Lady Hunt de Hélène Frappat (Acte Sud), roman « anglais » entre réel et fantastique qui aborde avec délicatesse la question de l'hérédité en matière de maladie dégénérative. Deux soeurs ont vu leur père tomber malade et les quitter alors qu'elles étaient enfants, elles se trouvent confrontées de nouveau à la menace qui a toujours plané sur leur santé et leur vie alors que l'une d'elle est enceinte et que l'autre est la dépositaire d'un mystérieux « don ». Certains d'entre nous ont apprécié ce roman alors que d'autres n'ont pas été séduits.

 

Même remarque pour L'échange des princesses de Chantal Thomas (Seuil, nommé pour le Goncourt) : enthousiasme de certains pour un excellent roman historique qui réussit à nous faire ressentir les sentiments des enfants aristocrates du XVIIIème siècle, le barrage de la langue entre les familles royales européennes qui vendent leurs gosses et les difficultés de ces gosses propulsés dans des mondes étrangers et soupirs des autres pour un roman trop complexe où le lecteur s'égare entre toutes ces petites têtes couronnées aux noms à rallonge.

 

En ce qui me concerne, déception pour La confrérie des moines volants de Metin Arditi (Grasset) dont les précédents livres étaient fabuleux (Loin des bras, Le Turquetto, Le prince d'orchestre). Après une première partie pleine de vivacité mettant en scène un moine lubrique qui fonde malgré lui une confrérie de moines dont la tâche est de voler des objets de culte dans les églises pour les mettre à l'abri des destructions communistes soviétiques, une seconde partie racontant la vie de l'héritier du moine, artiste français s'avère plate, sans intérêt, bobo et mollassonne. Serait-ce parce que ce livre est raté, sans le souffle et l'écriture merveilleuse de précision d'Arditi qu'Actes Sud, son éditeur habituel, ne l'a pas publié ?

 

Les Renards pâles de Yannick Haenel est encore un livre qui tombe à plat. Est-ce un livre à thèse qui veut dénoncer la misère des clochards et des immigrés ? Est-ce un livre politique qui accuse les nantis ? Un livre poétique voulant souligner la richesse de la culture africaine ou la poésie des « exclus » qui se réinventent une vie autre que métro-boulot-dodo ? Tout cela à la fois ? Là encore un livre en deux parties : la première gentiment poétique et la seconde furieusement lyrique. Les références à Samuel Beckett, les belles métaphores des sans-papiers portant des masques et faisant la révolution ne sauvent pas le livre qui mouline des clichés.

 

Nouvelle déception avec Céline Coulon et son Rire du grand blessé (Viviane Hamy). Après Le roi n'a pas sommeil, magnifique roman, Coulon s'attaque à la science-fiction avec une intrigue plutôt classique et quelques bonnes idées. En revanche, son style sobre devient inutilement alambiqué dans ce roman, la brièveté qui avait été sa force ne suffit pas ici pour développer ses idées. Le personnage principal n'est pas assez creusé sur le plan psychologique.

 

Esprit d'hiver de Laura Kasischke (Bourgois) est lui un grand roman puissant. Pas de déception pour ce nouveau livre de cet auteur jamais décevante. Suspens, personnages fouillés, construction impeccable, mots pesés, scènes agencées au millimètre, Laura Kasischke a une grande maîtrise des ambiances pesantes et malsaines, des personnages au bord de la folie prêts à partir en vrille. Il arrive souvent que dans ses livres, on relise un passage en se demandant s'il s'est bien passé ce qu'on a cru qui s'était passé ! Eh bien si... elle a vraiment fait ça !

 

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Premières découvertes de la rentrée littéraire : réunion du 3 octobre 2013 (1)

 

 

 

 

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7 octobre 2013 1 07 /10 /octobre /2013 07:43

 

Comité du 03 octobre 2013 :


 

Très agréable de se retrouver avec d'autres lecteurs devant l'interminable listes des nouveautés littéraires.

 

Pour moi, 3 textes :

 

 

HOSANNA de Chessex, grave et irrévérencieux devant la Mort qui devait le visiter plus tard.

 

 

QUAND LES COLOMBES DISPARURENT de Sofi Oksanen : entre 1948 et 1966, l'histoire d'hommes et de femmes dans la petite Estonie écartelée entre la Finlande, l'Allemagne et l'Union Soviétique : à lire avec un atlas !

 

 

Quand Claudie Gallay a participé au Salon d'Hermillon en 2009 avec LES DEFERLANTES, impossible pour moi de comprendre l'immense succès qu'avait eu ce livre. J'ai néanmoins succombé à la couverture accrocheuse de UNE PART DU CIEL en lisant la 4ème de couverture qui évoque astucieusement le Parc de la Vanoise, Hannibal, une vallée, des lieux que l'on croit reconnaître.

 

En fait, tout ce cadre géographique, économique permet de planter un décor et d'y faire vivre des hommes : l'hiver, on attend la neige et avec elle toute une économie, des emplois saisonniers très lucratifs comme les dameurs nocturnes (deux pages évoquent cette activité périlleuse) ou le personnel des hôtels exploité comme ailleurs, on souhaite de nouvelles pistes pour attirer le touriste et l'on continue à parler de respect de l'environnement.


Trois enfants d'une même famille ont grandi là : Philippe, garde forestier, Carole qui a quitté le village et Gaby, employée saisonnière dans un hôtel. Ils se retrouvent exceptionnellement cette année-là, la mère est décédée et ils attendent la visite hypothétique du père. Alors, des questions se posent sur ce passé dramatique pour Carole surtout : une mère peut-elle choisir entre deux enfants quand il est question de danger de mort ? Avec délicatesse, Cl.Gallay pose la question et traduit ce lien indicible qui peut exister dans une fratrie.


Pour ne pas être cataloguée dans le folklore régionaliste, Cl.Gallay fait deux clins d'oeil, l'un à SMOKE d'Auster avec le cliché quotidien de Carole et l'autre avec la traduction des pages de Christo, l'emballeur du Pont Neuf. Ces citations sont ironiques : que reste-t-il de tout cela ? J'ai aimé ce texte, il ne se passe rien, les hommes continuent leur chemin, peut-être auront-ils eu l'impression de comprendre ! Chacun repart vers son destin.... Lisez UNE PART DU CIEL.

 

 

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Premières découvertes de la rentrée littéraire : réunion du 3 octobre 2013 (2)

 

 

 

 

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28 juin 2013 5 28 /06 /juin /2013 15:46

 

 

Le baume Bobin

 

 

Lénifiant, Bobin ? « Lénifiant » a l'air d'un mot péjoratif mais si on le prend dans le sens de « apaisant », « adoucissant », il pourrait bien s'appliquer aux livres de Christian Bobin. Ne serait-il pas un auteur dont l'un des objectifs principaux est d'apporter un brin de douceur au monde ?


A la lecture d'un de ses 50 bouquins, on n'a guère envie de saisir un fusil pour partir à la chasse, de dévorer de la viande crue, d'aller voir un match de foot en vociférant mais plutôt de trouver un coin d'herbe où s'asseoir, de regarder couler la rivière, d'aller couper son bois tranquillement un après-midi d'automne ou de tricoter au coin du feu. Ou encore de saisir son stylo et son carnet de notes pour inscrire quelques belles phrases qui ont retenu notre attention. Car il a l'art de faire des phrases justes et qui résonnent à l'oreille et à l'âme, Bobin. Parfois mélancolique, parfois gai, mais souvent pertinent et lucide.


Ses phrases courtes (deux, trois mots seulement souvent) ne recherchent pas la fioriture mais la simplicité. La recherche se fait plutôt dans le mot, dans l'adjectif qui s'ajusterait parfaitement à sa pensée et à son expression. Bobin aime la répétition, il fait rebondir les mots plusieurs fois dans un paragraphe. Ces redondances sont caractéristiques d'un style mis au service du ressassement. Car il écrit toujours les mêmes choses autour des mêmes thèmatiques, Christian Bobin, mais celles-ci forment la trame d'un bréviaire de l'essentiel : l'amour, l'enfant, la mort, la nature, le ciel et ce qu'il y a dedans, les livres, la solitude, le silence vital, ce qui relie l'être aux autres, la clarté, l'émerveillement.


Des petits livres lumineux parfois récits, parfois jeux de construction, faits de morceaux, d'idées, de pensées qui se regroupent ou s'écartent les unes des autres, mais qui laissent rarement indifférents.

 

 


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3 mai 2013 5 03 /05 /mai /2013 13:45

 

 

Jeudi dernier, nous avons discuté des éditions P.O.L. et nous avons tenté de cerné sa ligne éditoriale. Mais la maison P.O.L. a-t-elle une ligne ? Il semblerait plutôt que la cohérence (incohérence ?) du catalogue tienne juste aux goûts et aux amours de l'éditeur... Et pourquoi pas ?

 

De quoi P.O.L. est-il le sigle, voire l'acronyme (oui, certains disent "pol") ? Pour une Oeuvre Littéraire ? Pour une Oeuvre Lunatique ? Pour une Oeuvre Louche ? Non, c'est plus simple.

 

P.O.L. a été fondée en 1983 par Paul Otchakovsky-Laurens, directeur de collection chez Flammarion puis chez Hachette où il avait fondé une collection qui préfigurait la maison P.O.L. Aujourd'hui Gallimard détient une majorité des parts de sa maison. En l'écrivant, je me dis que c'est curieux ce mot "maison" pour une entreprise commerciale... 

 

 

Quelles sont les caractéristiques des livres P.O.L. ?

 

  • Une première de couverture sobre, blanche, qui tranche avec un intérieur décapant
  • Une quatrième de couverture souvent énigmatique, qui prend grand soin à ne rien révéler du contenu, à ne pas raconter l'histoire, à ne pas présenter l'auteur
  • Des livres étonnants, décalés, absurdes, à contre-courant aussi bien pour les thèmes choisis que pour les histoires racontées
  • Des intrigues bizarres, des personnages irréels, invraisemblables, des situations étranges : le moins bizarroïde du lot serait peut-être Emmanuel Carrère, un classique par rapport aux autres auteurs !
  • Une recherche de la forme : mise en page, découpage du récit, ... 
  • Une recherche stylistique, des mots inusités, un travail sur la langue  

 

Une maison d'édition où littérature expérimentale et roman traditionnel sont mêlés ou autofiction, poésie, théâtre se côtoient mais qui écarte les essais. Une maison d'édition dont on est sûr que le dernier produit que l'on tient entre les mains va nous surprendre, nous déranger, nous faire marner du chapeau : Nicolas Bouyssi, Brice Matthieussent, Nina Yargekov, Nathalie Quintane, Patrick Varetz, Emmanuelle Pagano, Christine Montalbetti pour n'en citer que quelques uns, m'ont bien secouée ces dernières années. Finalement c'est tout ce qu'on attend d'un éditeur, non ?

 

P.O.L. c'est aussi quelques collections pour la jeunesse qui, La Petite Bête d'Antonin Louchard mise à part, sont peu passionnantes et n'ont guère d'originalité.

 

Editions P.O.L.

 


 

 

 

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26 avril 2013 5 26 /04 /avril /2013 10:28

Lafon.jpg

  © Espace Culturel St Jean de Maurienne

 

 

Marie-Hélène Lafon sera à Saint-Jean-de-Maurienne le 9 juin 2013. Ce qui nous incite à lire et relire ses romans et nouvelles sans relâche.

 

Et aussi à écrire :

 

 

L’intrigue du roman Les Pays de Marie-Hélène Lafon est banale. Elle nous plonge dans la vie ordinaire de Claire, née en pays cantalous, qui vient faire ses études de lettres classiques à Paris et y reste. Avec Les Pays, Marie Hélène Lafon m’a captivée et entraînée dans une dimension de lecture que je n’ai pas souvent ressentie.

Il y a, en effet, par l’écriture même de ce roman (peut-être ?!) quelque chose qui se transforme au fil des pages et qui m’a transportée.


La première partie décrit une visite, à Paris, du père Santoire (un nom de lieu), avec Claire et Gilles ses enfants à l’occasion du Salon de l’agriculture. Hébergés à Gentilly par les amis Suzanne et Henri, ils débarquent avec un sac plein des saveurs du Cantal « le cochon les fromages et le pot de confiture ».

Le début du roman est écrit en style parlé. La ponctuation donne un rythme « essoufflée » à la narration de Claire comme si, dans son enthousiasme juvénile, elle avait peur d’oublier quelque chose. Et c’est vrai que cette entrée en matière est essentielle pour comprendre la suite que j’analyse comme une sorte d’élargissement du principe de l’unité de lieu : les pays… en dehors ? en dedans ? Pourquoi « les » pays ?

On peut s’engager, dès le premier chapitre et si on le veut, dans un petit parcours sociologique et politique à partir, par exemple, de la description du père «  tombé » tout jeune « dans le chaudron », et n’ayant «  voulu que la vache et ce métier dont il savait tout comme de naissance », de la payse Suzanne mariée avec Henri, le parisien, « le vrai »,qui n’avait pas « fait une grosse propriété » comme sa sœur aînée Thérèse mais «  était dans les chèques postaux ». Ces prédécesseurs combatifs, dont la

Vache.jpg

  © Vache salers « Ardaille » à robe noire http://www.elevage-salers.fr/

 

Salers est la fierté, qui connaissent bien l’agriculture en action avec ses difficultés aussi, qui aiment ce qu’ils font, qui ne semblent pas tenir des propos à tout propos souffreteux, plaintifs et chargés d’acrimonie, ont préparé Claire à construire son espace de vie, son « pays » ailleurs avec d’autres « pays » sans oublier son et ses « pays ».


Car c’est de cela dont il s’agit dans la deuxième partie, 4 fois plus longue que la première et dans la dernière aussi. Il est rare d’honorer Eugène Delacroix en exergue d’un roman. Marie Hélène Lafon le fait… Ce n’est pas pour rien. Chacun connaît « La  liberté guidant le peuple », tableau culte du Musée du Louvre. L’épisode des barricades demeure toujours symbole de la République et de la démocratie avec tous ses possibles pour le citoyen… Le Louvre où Claire est heureuse de conduire son neveu et son père c’est un « continent ». Claire « disait que c’était une ville dans la ville, où l’on allait de quartier en quartier, où l’on pouvait s’égarer parce qu’il y avait toujours à voir, à se laisser happer par une rencontre imprévue ». 


Car des rencontres, Claire en fait beaucoup pendant toutes ces années à Paris. Elles évoluent au fil du temps et des exigences de l’héroine. Au début, timide, elle se contente de fantasmer, par exemple, sur les talents pianistiques de son professeur de grec puis, on passe au réel, avec des pays de « son » pays comme le magasinier de la bibliothèque. Mais ces « connivences » n’apportent pas grand chose pour se bâtir comme sujet. C’est par ses études qui sont « sa guerre » que l’espace de Claire s’élargit et s’enrichit notamment grâce à des camaraderies d’université et l’accueil dans leurs familles disposant d’un environnement culturel « domestique ». La banque aussi où elle travaille pendant les vacances pour compléter sa Bourse lui ouvre le monde professionnel et lui apporte un peu de drôlerie.


Dans ces deux parties, l’écriture s’est cadrée et posée. Les descriptions de Claire sont précises et objectives sans jamais insister pesamment et « plomber » le texte par des jugements. J’ai savouré comme je l’aurai fait d’un Saint-nectaire. Ces deux dernières parties m’ont donné de la force et de l’espoir. A tout âge, on peut continuer d’explorer d’une manière intelligente les pays qui nous entourent et découvrir la culture qui nous convient alimentée par la littérature, les arts, la science, la poésie. Les pays sont peut-être cet ailleurs culturel ou de nature qui est partout.


« Nous ne possédons réellement rien ; tout nous traverse » disait Eugène Delacroix dans son Journal. Claire, c’est justement cette intelligence de la spatialité qui sait traverser les approches classiques pour passer à autre chose et garder un regard et une écoute toujours neufs. De sa chambre, située dans le treizième arrondissement, et sans beaucoup de moyens matériels elle a su partir à l’assaut d’elle-même et de tous les espaces rencontrés pour gagner sa liberté.

 

 

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9 février 2013 6 09 /02 /février /2013 12:21

 

 

Chez Toni Morrison on retrouve beaucoup de personnages cassés, meurtris dans leur corps et leur esprit, hanté par leur passé et surtout par un passé qui va au-delà de leurs propres souvenirs, une histoire humaine politique et sociale qui les a heurtés à un moment donné et les a laissé presque à l'agonie.


Dans Home, Frank Money et sa soeur Cee sont eux aussi confrontés à un passé qui les a mutilés et que pourtant il faudra affronter. La scène fondatrice qui commence le récit et détermine la vie des deux enfants devra être revécue. Il faudra lui faire face, ne pas fuir comme l'a fait Frank en s'engageant, en allant faire la guerre de Corée, comme l'a fait Cee en se mariant trop jeune, en partant de la maison. Il ne faut plus fuir et pour enterrer le passé au sens propre comme au sens figuré ici il faut rentrer « at home » où « la serrure correspond à ma clef » et boucler la boucle. Mais ce ne sera pas un retour à la case départ : comme dans un conte de fées, ou dans une quête initiatique, on ne revient jamais intact des épreuves qu'on a traversées, on est transformé, on a grandit enfin.


Dans un style très sobre, sans fioritures, sans description, Morrison manie l'ellipse et la suggestion avec subtilité, laissant le lecteur faire son travail de lecteur. Elle écrit une histoire presque comme elle nous la raconterait de vive voix, sans se mettre à la place des personnages mais en nous rapportant les faits et les paroles : voilà, lecteur, ce qui s'est passé pour Frank et Cee Money, à toi de voir où est le bien et le mal, qui est le bon et qui est le pourri, qu'est-ce qui fonde l'identité d'un homme et les possibilités dont il dispose pour se construire une vie digne.

 

"Ce n'est pas aux autres de nous dire comment utiliser notre liberté" disent Toni et Slade Morrison dans le bel album Ma liberté à moi (Gallimard, 2000). De la même manire, on pourrait rajouter que ce n'est pas à l'auteur de nous dire comment lire ses romans et Toni Morrison de nous renvoyer à notre responsabilité.

 


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27 décembre 2012 4 27 /12 /décembre /2012 16:59

 

 

Toute passion abolie de Vita Sackville-West : un des textes dont nous avions retenu le titre sous le thème : la vieillesse.

 

La rencontre a été riche, nous avons laissé de côté l'aspect littéraire pour privilégier l'anecdote personnelle, celle qui résonne en chacun de nous, les réactions ont été multiples.


 

Je souhaite revenir sur ce texte écrit en 1931 qui nous plonge dans la société anglaise toute puissante sur la planète au début du 20ème siècle. Un titre qui aujourd'hui laisse planer l'équivoque sur le sens du mot passion : vive inclination vers ce que l'on aime avec violence, en aveugle, comme le précise le petit Larousse.


A la mort de son époux, Henry Holland, Lady Slane (88 ans) souhaite vivre seule: «  Je n'entends vivre avec aucun de vous. Pas avec vous, Herbert, ni avec vous Carrie, ni avec vous William, ni avec vous Charles. Je vais vivre seule. » A partir de là, une nouvelle vie s'organise pour la vieille dame et sa gouvernante Genoux  : elles entendent vivre en paix, avec le moins de visites possibles dans cette maison sous-louée, en pleine campagne. Et le roman se partage en trois parties qui vont permettre de remonter dans l'histoire de Lady Slane. Les enfants d'abord avec leur vie étriquée, leur fichu caractère, leur travers même que la mère n'apprécie que très peu. Quelques détails sur la vie coloniale où l'a conduite la carrière du mari.


Puis Lady Slane revient sur son amour de la peinture et son mariage avec Henry Holland : « Ils étaient vraiment sur les deux versants d'un même monde ».


Et enfin la dernière partie avec cet héritage extraordinaire qu'elle reçoit et refuse immédiatement au grand scandale des enfants choqués une fois de plus par le comportement de leur mère. Si la passion de Lady Slane pour l'art est « abolie » ou « annulée », elle n'en reste pas moins toujours vivante à l'évocation du choix de sa petite fille pour une voie artistique envers et contre tout ...


Ce roman paisible, évoque assez peu cette vieillesse qui nous tracasse. Les deux personnages font peu de cas de leur état : seule question : « laquelle partirait la première? » La mort de Lady Slane arrive très naturellement au milieu des enfants enfin soulagés que les tracasseries de leur mère cessent.


Il me semble que Vita Sackville-West en 1931 est davantage préoccupée dans ce roman par la nécessité de vivre dignement une passion et de n'y renoncer sous aucun prétexte : «  Après tout, elle était femme. Puisque l'artiste en elle était morte, lui était-il possible de s'accomplir d'une autre manière? » et comme à l'époque, la question déchaînait les publics, il valait sans doute mieux mettre en scène une femme de quatre-vingt huit ans pour calmer la critique et apaiser le public.

 


 

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15 décembre 2012 6 15 /12 /décembre /2012 10:22

 

 Texte de Mireille inspiré de notre thème mensuel : la vieillesse dans le roman.

 

 

 

VIEILLIR, LA PLUS SOLITAIRE DES NAVIGATIONS

 

 

 

Fourbir mes armes, affronter ma vieillesse,

nourrir mon cœur, mon âme,

m'abreuver à la source de joies, de lumières de ma solitude apprivoisée.

Chaque jour la défier, inscrite sur mon visage, creusant des sillons révélateurs

Miroir impitoyable.

Mon corps assiégé souffre, résiste, se redresse,

accueille les délices de tendresse, de caresses.

Inéluctable vieillesse, croiser son regard dans ceux perdus,

tristes, résignés, parfois révoltés.

Incompréhension, questions de ces vieux parqués, ligotés,

dévorés par l'ennui,

naviguant en solitaire, geignant, criant, quémandant une écoute, un sourire

ou errant dans leur folie, intouchables, inaccessibles.

Désormais, au bord du gouffre, appel, désir de la délivrance.

Les aimer, les choyer, soulager leur détresse

et soigner, oublier une blessure d'enfant, d'adulte, de fille.

Ultime combat sur le ring de la vie.

Mon défi ?

L'accueillir sereinement.

Mon corps : elle le brisera, sûrement.

Mon âme résistera, peut-être !

 

 

 

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14 décembre 2012 5 14 /12 /décembre /2012 16:55

 

 

Trois vieilles dames indignes ? Indignes en tout cas aux yeux de leurs enfants et de leur entourage mais pas aux yeux du narrateur et du lecteur. Ni la lady (Toute passion abolie de Vita Sackville-West, 1931), ni la vieille Hagar (L'Ange de pierre de Margaret Laurence, 2007), ni Emily (Emily de Stewart O'Nan, 2012) ne sont les vieilles harpies capricieuses et égoïstes qu'elles paraissent au premier regard. Bien au contraire, ce sont trois femmes debout, qui n'ont pas envie de devenir les enfants de leurs enfants, de renoncer.

 

Elles sont à un âge ou « toute passion abolie », toute folie de la jeunesse derrière soi, toute contrainte sociale dépassée il redevient possible de se construire une liberté nouvelle. Le corps n'est plus ce qu'il était, tout est devenu plus lent et plus difficile physiquement pourtant des choix peuvent encore être faits. On peut dépasser le déchirement entre l'image donnée aux autres (la vieille, l'empoisonnante, celle qui s'accroche et qu'on doit « gérer » comme on le dit si affreusement de nos jours) et celle qu'on est au fond (la forte, la digne, la lucide, celle qui décide jusqu'au bout et qui ne regrette rien).


Les trois romans de notre programme interroge nos représentations de la vieillesse. Celles-ci comme l'exprime de manière érudite et passionnante Régine Detambel dans son essai Le Syndrome de Diogène, éloge des vieillesses (très important pluriel !), ne sont pas naturelles. Nos représentations sont culturelles, construites, fabriquées. Elles varient selon les lieux et les époques. On n'a pas toujours eu ce regard à la fois affligé, de compassion et d'agacement sur les vieux. C'est depuis Chateaubriand et son « la vieillesse est un naufrage », repris par De Gaulle, qu'on voit le troisième âge non plus comme un bel âge respectable mais comme une décrépitude pitoyable et effrayante car elle nous renvoie à notre propre finitude.

 

Libéré de toutes les foutaises de la vie, le vieillard est toujours un homme debout. C'est bien ce que disent les trois romans que nous avons lus et commentés, chacun à leur manière, avec humour, sans pathos, mettant en scène les lenteurs du rythme des gens âgés alternant avec la vivacité et la légèreté d'instants où la folie de la jeunesse n'est pas si loin que cela.


En tout cas on s'est rendu compte en discutant de la vieillesse qu'il s'agissait d'un sujet à la fois polémique et qui fait surgir beaucoup d'anecdotes personnelles : ça touche là où la littérature remue la subjectivité de chacun. Du coup on oublie un peu de parler du style, de l'écriture, de construction du récit, ...

 

 


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